Lettre ouverte à Mme Marois et à ceux qui vous conseillent en économie
Madame la Première ministre,
Si je vous écris aujourd’hui c’est parce que vous m’y obligez. Vous me forcez à vous donner un bref cours d’économie car visiblement, votre équipe économique semble prendre une sieste à chaque fois que vous parlez de souveraineté (ou bien sont-ils sont profondément incompétents). Vous avez récemment dit que le Québec pourrait se séparer, ne pas avoir de frontière avec le reste du Canada, conserver le dollar canadien et avoir un siège de directeur à la Banque du Canada. Si ce n’étaient que mensonges pour rassurer les nationalistes mous, on y serait habitué. Malheureusement c’est pire que du mensonge, c’est de l’ignorance dangereuse.
Ce n’est pas la première fois que vous utilisez des exemples hors de l’Amérique du Nord pour rassurer les Québécois sur le bien fondé de vos idées. L’exemple précédent était celui de la France comme modèle d’intégration des immigrants. Pour tous ceux qui ont de la parenté européenne, nous avons eu honte pour vous. Il n’y a pas aujourd’hui un Français de souche ou d’origine étrangère en France qui croit que le modèle français fonctionne. Et maintenant, pour tous les Québécois qui ont pris la peine de s’informer le moindrement sur la débâcle économique européenne depuis 2010, nous avons honte pour vous encore plus.
Vous parlez de l’Union européenne comme d’un modèle à suivre pour le Québec en relation avec le Canada. Avez-vous entendu parler des taux de chômage en Grèce, Espagne, Italie, Irlande et au Portugal ? Avez-vous entendu parler de l’émigration massive des jeunes Espagnols qui ne trouvent absolument aucun travail ? Avez-vous remarqué les manifestations violentes enflammant les rues d’Athènes ? Ne voyez vous pas la montée de la xénophobie et le rejet du bien commun dans les pays riches du Nord tels l’Allemagne, les Pays-Bas et surtout chez nos supers sociaux-démocrates Finlandais ? Ils sont tous essoufflés. Les uns par ce qu’ils ne voient plus l’intérêt de subventionner à coup de milliards périodiques, des peines perdues, alors que les autres sont tannés de se faire traiter de paresseux qui ne font jamais assez d’austérité.
Pourquoi l’Europe en est-elle là ? La réponse se trouve ici au Canada. Si aujourd’hui le monde opère sous un régime de changes flottants (où le marché détermine le prix des monnaies des pays) c’est parce que les économistes admettent que le marché est mieux placé que les gouvernements pour déterminer les prix d’équilibre des monnaies. Si vous ne me croyez pas, allez donc voir ce qu’a fait George Sorros à la livre Sterling d’Angleterre en 1992. Ce système permet aux pays d’avoir une monnaie au meilleur niveau pour obtenir un certain équilibre des exportations et des importations ainsi qu’un équilibre dans le compte courant (tous les flux financiers entre un pays et le reste du monde) des pays à long terme. Quand l’Europe instaura l’euro des déséquilibres macroéconomiques commencèrent à faire surface.
On peut parler, si vous me permettez la simplification, d’une forme de « maladie hollandaise » chronique en Europe. L’Allemagne enregistre des excédents de commerce international qui équivalent à 6% de son produit intérieur brut (PIB). Mais pour que l’euro trouve son équilibre à long terme face à toutes les autres monnaies du monde il faudra que d’autres pays au sein de l’euro enregistrent des pertes de commerce international équivalant aux surplus des pays comme l’Allemagne. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et cie. engrangent ces superbes performances d’exportations manufacturières et les autres font grimper la valeur de l’euro, ce qui empêche les pays périphériques de l’euro de livrer une concurrence commerciale à des pays comme la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, etc.
Votre cher ami Gilles Duceppe nous
parlait, il y a pas si longtemps, du Canada comme d’un pays à deux économies mais à une seule monnaie. L’Ouest vend des quantités hyperboliques de matières premières, gonflant ainsi le huard canadien, pourfendant ainsi les industries manufacturières de l’Ontario et du Québec. Bon je ne m’y attarderais pas très longtemps car votre ami est un peu hypocondriaque économiquement, mais au moins je lui donnerai crédit pour avoir réfléchi aux conséquences que
peut avoir l’unité monétaire dans une fédération. Mais, si la zone euro a presque explosé monétairement alors qu’ils ont l’euro depuis quelques décennies à peine, pourquoi n’avons-nous eu aucune crise monétaire majeure alors que nous opérons dans une telle union monétaire depuis 1935 (année de la création de la Banque du Canada) ?
Nous avons quelque chose de plus que la zone euro ici; nous avons une union fiscale. Que vos conseillers vous fassent croire que le Canada nous dérobe plus de fric que ce qu’il nous est versé annuellement en péréquation et services fédéraux m’est égal. La réalité est qu’en Europe l’Allemagne et ses confrères riches refusent de verser du capital de manière continue pour assurer un équilibre entre compétitivité économique des uns et parité fiscale avec les autres. Le système fiscal canadien permet d’ajuster de manière flexible les déséquilibres macroéconomiques à l’intérieur du pays. Ce que vous proposez en abandonnant le Canada mais en préservant sa monnaie, c’est de rendre le cauchemar de Duceppe vrai. Une fois que nous cesserons de recevoir des transferts de péréquation, de l’argent d’assurance emploi et des transferts en santé et en éducation, mais que nous continuerons d’être assujettis à une monnaie étrangère, nous finirons comme la Grèce.
C’est triste à dire mais notre économie n’est pas assez compétitive au sein du Canada pour que l’on puisse se payer seuls nos services sociaux. Surtout pas quand on s’amuse à subventionner tous les nouveaux emplois de la Province. À moins de couper dans les retraites, dans les salaires des fonctionnaires, accroître le coût des prescriptions et faire monter nos factures d’Hydro, on a encore besoin de l’Alberta et de son pétrole et du Canada entier.
En plus il faut peut-être vous le rappeler; mais les traités de Maastricht et Schengen furent
négociés. Les négociations durèrent des décennies et elles nécessitèrent quelque chose qui s’appelle de la bonne volonté. Je me demande si vous croyez vraiment que les Canadiens percevront une déclaration unilatérale de sécession comme étant une preuve de bonne volonté ? Espérons que PKP vous aide en ces moments de honte collective à voir la lumière, car nous autres, on trouve ça assez obscur que de vous voir radoter des ignorances économiques et politiques.
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