Rallyes canadiens: 80 minutes avec Antoine L'Estage
La réputation d'Antoine L'Estage, quadruple champion canadien, n'est plus à faire dans le monde du rallye nord-américain. Cependant, tout n'a pas toujours été si simple pour lui. Histoire d'un homme qui sait ce qu'il veut.
Tout jeune, Antoine allait voir son père, Jacques, courir, sauf qu'un jour il en a eu assez de simplement regarder. À l'âge de 21 ans, aux commandes d'une Toyota Corolla, il a pris part à son premier rallye régional, peu avant de faire le saut au niveau national, avec une Eagle Talon. En 2001, on le nommait déjà recrue canadienne de l'année. À l'époque, tout allait bien, et Antoine était maître de son destin, mais plus il réussissait, plus ses projets prenaient de l'ampleur.
« Ceux qui s'assoient sur leurs lauriers et attendent que le téléphone sonne ne feront pas du rallye longtemps, prévient-il. J'ai eu la chance d'obtenir des résultats assez rapidement, mais je crée mes propres opportunités. Il faut demander pour recevoir. » Un jour, il a eu besoin d'aide et est allé cogner à la porte d'un héros de jeunesse, John Buffum. « Quand j'allais aux rallyes avec mon père, se souvient Antoine, John c'était 'The Man'. » En tant que pilote, Buffum a remporté 117 victoires nationales, plus que quiconque au monde. En tant que préparateur de voitures, il s'occupait de l'équipe de course Hyundai officielle, aux États-Unis.
Il ne fallait pas chercher très loin pour comprendre pourquoi Antoine, à ses débuts en 2002 dans la division reine du Championnat canadien des rallyes, la catégorie Open, pilotait une Hyundai Elantra. « J'ai bien 'timé' ma rencontre avec John », explique L'Estage. Buffum, qui voyait son protégé Paul Choiniere se diriger vers la retraite, cherchait un remplaçant. Lentement mais sûrement, Antoine passait du statut de client à celui de poulain. Mieux il réussissait, plus Buffum se concentrait sur lui. En 2007, après le premier titre canadien (2006) de L'Estage, Buffum s'est mis à travailler presque exclusivement sur la Hyundai d'Antoine. Encore aujourd'hui, L'Estage peine à croire sa relation étroite avec l'illustre rallyman.
Malheureusement, la paire progressait, mais le budget plafonnait, puisque qui dit sport automobile, dit dépenses. Bien souvent, le financement passe par des commanditaires. Hyundai s'étant retiré du sport automobile, Antoine a dû créer et financer sa propre équipe privée. Plusieurs entrepreneurs sceptiques refusent cependant de risquer leur argent, gagné à la sueur de leur front, dans les aventures d'un étranger. « Il ne faut pas avoir peur de se faire dire non, conseille-t-il à celui qui veut se lancer en sport automobile. Plusieurs personnes ont peur de créer un malaise. Il faut essayer. » Ceci dit, il a lui-même bien souvent voulu abandonner devant les refus. Sauf qu'il ne l'a jamais fait. Tant et si bien qu'aujourd'hui, il réalise parfois un profit à la fin de l'année. Peu de pilotes peuvent en dire autant : la plupart se ruinent. Son succès – cinq titres nationaux, quatre titres nord-américains – témoigne des efforts investis au fil des ans. Antoine L'Estage se tire donc d'affaire par ses propres moyens, et il y parvient parce qu'il persévère, mais surtout parce que le rallye, c'est sa vie.
En 2010, grâce à ses succès, il est devenu l'un des rares pilotes de rallye à être invité aux X Games, le plus important rassemblement d'athlètes de sport extrême au monde. En 2011, L'Estage a remporté quatre victoires consécutives dans le championnat canadien, en plus de quoi il a totalisé cinq podiums, dont deux victoires, en championnat américain. Avant même le terme de sa saison, il a été sacré champion canadien et nord-américain. |
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