Auparavant, écrivains, philosophes et autres penseurs occidentaux se mobilisaient pour demander que leurs gouvernements s’impliquent — ou pas — lors des crises internationales. Pourquoi sont-ils donc si silencieux à propos de la Syrie, alors que le conflit s’envenime et qu’une intervention militaire se profile ?
Hubert Smeets
Il fut un temps où les intellectuels de tous les pays pouvaient se retrouver lorsque la situation dans le monde les y incitait. Pour caricaturer, ça se passait comme ça. Deux penseurs ou davantage rédigeaient un appel à l’intention des Nations Unies ou d’autres hautes instances, diffusaient le texte au sein de leur propre cercle et faisaient ensuite publier l’appel dans le quotidien français
Le Monde. Cette époque est révolue, en ce qui concerne la Syrie.
Il y a deux ans, en juin 2011, sept écrivains/penseurs ont encore pris la peine d’
enjoindre le Conseil de sécurité d’adopter une résolution autorisant une intervention en Syrie.
"Il serait tragique et moralement inacceptable que, sous la menace d’un veto ou de telle ou telle abstention parmi vous, ce projet de résolution ne vienne pas à être soumis à votre conscience, qu’il finisse dans les poubelles du renoncement." Le texte était signé : Umberto Eco, David Grossman, Bernard-Henri Lévy, Amos Oz, Orhan Pamuk, Salman Rushdie et Wole Soyinka, tous écrivains, dont un prix Nobel.
Neuf mois plus tard, près d’une cinquantaine de personnalités de réputation mondiale ont fait une
nouvelle tentative pour la Syrie. Les divisions au sein de la communauté internationale avaient donné au régime de Bachar El-Assad l'idée fausse que
"la répression violente est un moyen acceptable de faire avancer les choses", écrivaient le philosophe allemand Jürgen Habermas, l’ex-président Richard von Weizsäcker, encore une fois les romanciers Umberto Eco et David Grossman, et quarante autres.