Cet article de la Presse Canadienne, signé par Karine Fortin, est paru dans Le Nouvelliste, édition du lundi 26 janvier 2004.

Les jeunes qui ont suivi des cours de conduite ont plus d'accidents

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les leçons de conduite ne diminuent pas le risque de collision chez les jeunes et pourraient même contribuer à augmenter le danger en permettant à certains adolescents de prendre le volant sans avoir la maturité nécessaire, affirme un chercheur québécois.

Au Québec, près d'une victime de la route sur quatre est âgée de 16 à 24 ans. En 2002, 179 jeunes sont décédés et 1422 autres ont été grièvement blessés dans des collisions survenues sur les routes de la province.

Et le phénomène ne se limite pas au Canada. Les statid=stiques alarmantes compilées au fil des années dans les pays occidentaux ont même poussé certains chercheurs à considérer les accidents de voitures chez les jeunes comme une loi de la nature.

Devant l'hécatombe, plusieurs gouvernements suggèrent aux jeunes souhaitant obtenir leur permis de suivre des cours. Dans quelques États, la formation est même obligatoire. Pourtant, toutes les études menées au cours des 20 dernières années démontrent que cette mesure n'est pas efficace pour faire baisser le taux de collision, souligne dans son article Pierro Hirsch, de l'Université de Montréal. L'article est publié dans le dernier numéro du "Journal of Safety Research".

"En Ontario, rapporte-t-il, les conducteurs de 16 à 19 ans qui ont pris des cours de conduite ont un taux de collision de 45 pour cent supérieur à celui du groupe qui n'avait pas suivi de cours." D'autres recherches ont donné des résultats semblables en Nouvelle-Écosse.

D'après l'étudiant en doctorat en santé publique, dans leur forme actuelle, les cours ne réussissent pas à diminuer la prise de risque chez les adolescents.

"Les jeunes apprennent la technique permettant de tenir le volant. Mais la prudence est une attitude, pas une habilité et on ne peut pas l'enseigner en 12 heures", fait-il valoir.

Or, plusieurs États permettent aux jeunes d'obtenir leur permis plus rapidement s'ils se sont inscrits à des cours. Au Québec, par exemple, un apprenti-conducteurvoit sa période de probation réduite de quatre mois s'il suit des leçons dans une école reconnue.

En bout de ligne, cette politique peut avoir pour conséquence de donner le volant à des jeunes pressés de devenir autonomes, mais n'ayant pas la maturité nécessaire pour conduire. Or, leurs parents, croyant à tort les cours efficaces, ne les encadreront pas autant que nécessaire.

Lui-même propriétaire d'une école de conduite, M. Hirsch se défend bien de vouloir nuire à l'industrie. "Mais j'ai un problèmeà aider les adolescents à apprendre à conduire sans pouvoir les empêcher de se blesser et de blesser les autres", a-t-il confié à la Presse Canadienne.

À son avis, les gouvernements devraient d'abord annuler les avantages consentis aux élèves des écoles de conduite. Puis, trouver des moyens d'évaluer les attitudes et la maturité des conducteurs en plus de leurs habiletés. Les écoles ajusteraient nécessairement leur programme afin de mieux préparer leurs clients à un examen différent.

Des recherches démontrent par ailleurs que d'autres mesures telles que l'imposition de couvre-feu pour les jeunes conducteurs, l'augmentation de l'âge minimum pour l'obtention d'un permis ou l'imposition d'un nombre maximal de passagers auraient des effets bénéfiques sur le taux de collision des conducteurs les moins expérimentés.

"Les accidents provoqués par de jeunes conducteurs constituent un véritable problème de sécurité publique, conclut le chercheur. Il faut dissiper le brouillard pour permettre aux gens qui prennent les décisions de le faire de manière éclairée."


De quoi faire réfléchir les "calottes-à-l'envers", et surtout leurs parents.