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En cas de vol d'un véhicule, l'indemnité accordée par les assureurs ne permet que l'achat d'un véhicule d'occasion. Il y a bien des gens que ça n'intéresse pas et les assureurs y ont vu un marché. Ils ont donc inventé un produit: la valeur à neuf. Les concessionnaires automobiles y ont eux aussi vu un marché. Ils ont créé la garantie de remplacement. Avec cette garantie, en cas de vol ou perte totale d’un véhicule, le concessionnaire le remplace par un neuf. Mais ce n'est pas toujours aussi simple...

Quand quelqu’un aime son véhicule et qu’il s’en sert pour travailler, aucune assurance n’est superflue. Mario, un déneigeur et paysagiste, est bien placé pour le savoir. En homme prudent, il a donc pris une garantie de remplacement au coût de 850 $ chez son concessionnaire quand il a acheté son camion, il y a trois ans.

Ces garanties sont généralement plus chères que l’avenant valeur à neuf des assureurs, mais elles durent jusqu’à cinq ans. Dans le cas de Mario, ça en valait le coût.

« Quand tu te réveilles le matin et que tu ne trouves pas ton camion pour aller travailler, tu es mal pris. »

Après le vol de son camion, Mario a reçu un chèque de 23 400 $ de son assureur. Un camion équivalent neuf valait environ 46 200 $. Selon sa garantie de remplacement, son concessionnaire devait lui fournir un camion neuf, et donc assumer la différence de prix.

Il a toutefois refusé, parce que Mario utilisait son camion comme véhicule commercial, ce qui est exclu par le contrat.

Mario a poursuivi le concessionnaire. Il a été démontré en cour que ce dernier savait que ce véhicule était commercial.

« Ce sont eux qui ont mis la plaque d’immatriculation et ce sont eux qui ont demandé à installer la pelle à neige eux-mêmes. »

Le juge a donc donné raison à Mario et le concessionnaire a été condamné à lui rembourser 22 847 $.

Faire affaire avec un assureur

Alain et Micheline ont aussi dû aller en cour. Après le vol de leur auto, le chèque de l’assureur est arrivé vite, mais leur concessionnaire n’a pas comblé toute la différence entre le montant de ce chèque et la valeur de la voiture de remplacement neuve.

« Il y avait un écart d’environ 7900 $, et il en a couvert 6600 $, explique Micheline. Pour les 1300 $ qui restaient, il a dit: ''Non, non, non, c’est comme ça que ça se calcule. Nous ne vous devons rien''. »

« Il a ajouté: ''Vous avez de la chance d’avoir une voiture neuve pour pas grand-chose'' », poursuit Alain.

En ajoutant d’autres réclamations qui posaient problème, le couple a récupéré plus de 3000 $ à la Cour des petites créances. Morale de cette histoire, selon Micheline: pour l’assurance, il vaut mieux faire affaire avec un assureur.

« Dans ce cas-là, les parties sont indépendantes. L’assureur n’a rien à voir avec la voiture, il n’a aucun rapport avec le garage. »

Garantie ou assurance?

Voilà le genre de commentaire qu’aime entendre Jack H. Chadirdjian, directeur des affaires publiques et gouvernementales du Bureau d'assurance du Canada (BAC) au Québec. Le BAC estime que ces garanties non réglementées sont des produits d’assurance ne devant être vendus que par des assureurs.

Jack H. Chadirdjian
« Nous avons des règles qui sont strictes, formelles. Il y a des codes que nous devons respecter pour protéger le consommateur. D’un autre côté, il y a des gens qui jouent sur notre terrain de jeu: les concessionnaires. Il n’y a aucune protection du public ou très peu, et pas de suivi, l’Autorité des marchés financiers ne voit même pas les contrats. »

Selon la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec (CCAQ), ces contrats sont des garanties, pas de l’assurance.

« Encadrez-nous par l’Office de la protection du consommateur. Nous sommes déjà encadrés pour la vente et les pratiques de commerce. Pour protéger les consommateurs, qui sont nos clients, nous sommes d’accord avec ça, explique le président de la CCAQ, Jacques Béchard. Mais exiger que nos employés deviennent des courtiers, c’est tout à fait inutile, tout à fait déraisonnable. »

Les concessionnaires sont toutefois les seuls à ne pas considérer ces produits comme de l’assurance. Selon un expert dans le domaine, le planificateur financier Éric Brassard, l’Autorité devrait surveiller les concessionnaires.

« Ils n’ont pas de notions d’assurance. Ce sont des gens qui sont formés très vite. Ce n’est pas une priorité de l’industrie de l’auto de les former au niveau financier. Même s’ils parlent beaucoup de cet aspect, ils se trompent. Il y a des âneries qui se disent dans des domaines qu’ils sont supposés connaître. »

Deux joueurs

Après le vol de son auto, Ken s’attendait à en recevoir une autre, neuve, sans frais. Mais son concessionnaire a exigé 4300 $.

Le problème, c’est qu’un autre joueur se cache derrière la garantie de remplacement. Les concessionnaires prennent en effet eux-mêmes une assurance pour couvrir leurs risques. Or, dans le cas de Ken, c’est ce deuxième joueur, l’assureur, qui a décidé du montant.

« Le directeur des ventes m’a dit: ''Ce n’est pas nous qui gérons ce montant-là, c’est la compagnie de garantie de remplacement''. J’ai répondu: ''J’ai acheté la garantie de remplacement chez vous, n’êtes-vous pas supposés de travailler pour moi pour qu’on me remplace l’auto?'' Il m’a dit: ''Je suis désolé, c’est comme ça. C’est le montant que nous vous donnons. Je ne peux rien faire''. »

Alain et Micheline ont eu le même problème.

« Ce qui est un peu gênant, c’est que vous faites en fait affaire avec un garage qui lui même fait affaire avec un assureur en arrière, souligne Alain. Alors, votre interlocuteur, c’est le garage, mais ce n’est pas lui en fait qui décide des montants et il ne veut pas vous dire quels sont les montants qui ont été admis par l’assurance. »

Les obligations du concessionnaire

Contrairement à Alain et Micheline, Ken n’a pas eu besoin d’aller en cour. Il a toutefois dû insister auprès de son concessionnaire, dont l’assureur avait en fait commis une erreur dans le calcul des taxes.

Même si l’assureur du concessionnaire ne lui donnait pas le montant pour couvrir le coût d’un véhicule neuf, ce dernier n’aurait-il pas normalement dû combler la différence? Après tout, selon le contrat, il s’engageait à remplacer le véhicule volé par un neuf.

« Je me serais battu, soutient le directeur des ventes. Je ne veux pas égorger ma clientèle, mais je ne suis pas en affaires pour perdre des sous non plus. »

Mais en refilant le coût de cette erreur de 4300 $ à son client, ce concessionnaire comprenait mal ses obligations. C’est ce que La facture a vérifié avec la CCAQ.

« Le contrat est limpide. Un concessionnaire a l’obligation de remplacer le véhicule. Le concessionnaire demande par la suite indemnisation à son assureur, indique Jacques Béchard. Si l’assureur refuse de payer le concessionnaire, ce dernier n’a aucun motif. Il faut qu’il remplace le véhicule.C’est lui qui s’engage légalement contractuellement vis-à-vis de son consommateur. »

Selon la CCAQ, les histoires de Ken, Mario, Alain et Micheline sont des exceptions.

« Nous vendons 100 000 contrats par année chez nos concessionnaires. Ça fait 1 million de contrats dans les 10 dernières années. Il y a très peu de plaintes. »

Le planificateur financier Éric Brassard croit de son côté que bien des clients perdent de l’argent parce qu’ils ne comprennent pas bien leur contrat.

« Nous menons des vies de fou, nous avons a toutes sortes de choses à régler. Souvent, quand nous avons eu une perte totale, nous avons le goût de régler la situation, d’éteindre le feu. Et finalement, nous perdons 1000 $, 2000 $, 3000 $ en signant une mauvaise entente. »

En conclusion

Depuis l’automne dernier, l'Autorité des marchés financiers se demande si la garantie de remplacement des concessionnaires n’était pas finalement de l'assurance. Si la réponse est oui, les concessionnaires pourraient perdre ce lucratif marché de 100 millions de dollars par année. L'Autorité pourrait aussi décider de leur laisser ce marché, mais en les encadrant davantage.