F1 : L'étonnante Lotus 88 à double châssis de 1981De toute l’histoire de la Formule 1, une seule voiture a possédé deux châssis afin d’exploiter au mieux l’effet de sol. Malheureusement, cette voiture a été jugée illégale et n’a jamais pu démontrer son potentiel.
L’ingénieur Peter Wright, qui œuvre aujourd’hui à la FIA, fut l’un des pères de cette voiture révolutionnaire.
Afin de rendre les voitures à effet de sol plus efficaces et moins ardues à conduire, Colin Chapman, Peter Wright et Martin Ogilvie de Lotus comprirent qu’il fallait empêcher les pontons de bouger tandis que le pilote serait assis confortablement dans la voiture. Pour eux, il fallait donc isoler le pilote, le moteur et la transmission des mouvements parasites des pontons qui faisaient varier le centre de dépression aédoynamique. Peter Wright eut alors une idée de génie… « N’étant pas assujetti aux règlements, rien n’empêchait qu’un plancher à effet de sol puisse être boulonné directement aux extrémités des triangles inférieurs des suspensions et non pas à la partie suspendue de la voiture, » nous a-t-il expliqué. L’idée fut donc de concevoir une voiture à deux « châssis » distincts : un pour la mécanique (châssis secondaire) et l’autre pour les éléments aérodynamiques (châssis primaire). Le pilote serait assis dans le châssis secondaire muni d’une suspension assez souple pour absorber les inégalités de la piste tandis que le châssis primaire serait pourvu de suspensions rigides afin que les jupes touchent en permanence, ou presque, au sol. Il fallait toutefois amortir le châssis primaire (aérodynamique). « Nous voulions que ce châssis s’abaisse rapidement par terre, mais remonte très lentement afin de s’assurer qu’il racle le sol même si la voiture ralentissait, » souligne Wright. « Nous avions besoin d’un amortissement rapide en compression et lent en détente. Nous avons détecté ces caractéristiques dans les pistons à gaz pressurisés employés pour maintenir ouvertes les valises de voitures. Nous avons trouvé un fournisseur disposé à nous fabriquer des amortisseurs répondant à nos exigences. » Chapman et Wright désiraient aussi profiter de leur expérience des matériaux composites pour la fabrication des châssis. « McLaren avait employé l’expertise aérospatiale et le tissu préimprégné de la firme Hercules Corporation pour faire fabriquer son premier châssis monocoque en fibre de carbone, » raconte Wright. « Lotus a décidé de développer son châssis à l'interne, car nous n’avions pas le temps de faire autrement. » Les premiers essais de la T88 se déroulèrent au circuit Paul Ricard dans le sud de la France en présence d’Alfa Romeo. « Il pleuvait beaucoup et la piste était encore très humide quand la T88 a pris la piste, » raconte Wright. « Immédiatement après notre essai, Alfa Romeo a envoyé une de ses voitures en piste pour étalonner notre performance. Et si je me souviens bien, notre T88 était plus rapide d’environ une seconde au tour ! C’est à ce moment-là que la campagne en vue d’empêcher la T88 de courir a vraiment débuté… » Les autres directeurs d’équipes étaient jaloux de la façon dont l’écurie Lotus avait réussi une telle voiture qui était tout à fait légale, car un nouveau règlement de la FISA interdisait les jupes coulissantes et obligeait le plancher de la voiture à être à au moins six centimètres du sol en tout temps afin de réduire la vitesse en virage. La Lotus 88 (et le modèle suivant la 88B) n’a jamais enregistré le moindre tour chronométré officiellement. Les Lotus 88 ont toujours été stoppées par le drapeau noir qui les obligeait à rentrer aux puits. Après trois essais, elle fut finalement bannie de la F1. « Ce fut très frustrant pour moi, mais c’est Colin Chapman qui en fut le plus affecté, » conclut Wright. « Il bataillait pour faire évoluer la technologie, mais à cette période, la FOCA et la FISA tentaient de travailler ensemble et voulaient à tout prix éviter les controverses. Je crois qu’il était évident que cette Lotus n’aillait jamais courir et Colin a vraiment perdu l’intérêt pour la F1 après cela. Je me souviens qu’il m’a dit qu’il laisserait se terminer le contrat avec John Player Special, puis il verrait s’il était encore intéressé par la F1… » Fiche technique Lotus T88 et 88B (1981) Châssis secondaire : monocoque en fibre de carbone et Kevlar, plié et collé Châssis primaire (carrosserie) : panneaux en fibre de carbone avec trois couples en alu Moteur : Ford Cosworth V8 DFV, 2 993cc, 490 chevaux @ 11 000 tr/min Transmission : Lotus avec pignons Hewland FGA, 5 vitesses Suspension avant : bras balanciers et triangles, ressorts et amortisseurs Suspension arrière : bras balanciers et triangles, ressorts et amortisseurs Réservoir d’essence : 182 litres Empattement : 2 692mm Voie avant : 1 727mm Voie arrière : 1 625mm Freins : disques en acier, double étriers Pneus : Michelin puis Goodyear Poids : 585 kilos sans le pilote
Photos: Classis Lotus & Team Lotus
|
|||||||||||||||