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Grand Prix de Montréal : dans les coulisses avec Pirelli, où la F1 façonne les futurs pneus de vos véhicules

| Photo : Pirelli
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Khatir Soltani
D’une certaine façon, chaque tour de piste sur le circuit Gilles-Villeneuve influence la gomme des futurs pneus de vos véhicules

Le weekend dernier, le vrombissement des moteurs de Formule 1 a de nouveau fait trembler Montréal. Sur le circuit Gilles-Villeneuve, au-delà de la performance des pilotes et de l’aérodynamisme des monoplaces, un acteur crucial opérait dans l’ombre : Pirelli.

Fournisseur exclusif de pneus pour la F1, le manufacturier italien ne se contente pas de chausser les voitures les plus rapides du monde ; il transforme chaque course en un laboratoire à ciel ouvert dont les innovations se retrouveront, plus tard, sur nos véhicules.

Mario Isola, le directeur de Pirelli Motorsport
Mario Isola, le directeur de Pirelli Motorsport | Photo : K.Soltani

Un défi de constance et de stratégie, loin de la compétition
Contrairement aux écuries, Pirelli n’est pas en compétition directe sur la piste. Son défi est de nature stratégique et technique, une responsabilité qui incombe principalement à Mario Isola, le Directeur de Pirelli Motorsport. Son travail consiste à naviguer entre les exigences souvent divergentes des différentes parties prenantes : la FIA pour le respect des règlements, la Formule 1 pour le spectacle, et les écuries et pilotes pour la performance et la sécurité.

La stratégie de Pirelli, pilotée par Isola, est de fournir un produit qui répond à des objectifs précis, formalisés chaque année dans une « lettre cible » convenue avec les instances dirigeantes. Ce document définit les caractéristiques attendues des pneus, comme le delta de temps au tour entre les différents composés ou le niveau de dégradation souhaité pour pimenter la stratégie de course.

« Nous ne sommes pas en compétition, donc nos défis sont légèrement différents », explique Mario Isola. « Nous devons garantir l’intégrité et la constance du produit. » Cette exigence est absolue. Chaque pneu doit être rigoureusement identique pour assurer une équité sportive totale. Un pneu arrière de F1 pèse environ 13 kg, et Pirelli doit garantir une tolérance de poids de seulement 100 grammes, plus ou moins.

| Photo : Pirelli

La logistique derrière cette opération est une chorégraphie complexe. Pour chaque Grand Prix, environ 1800 pneus sont acheminés. « Sur chaque pneu se trouve un code-barre fourni par la FIA », précise Isola. Pirelli envoie la liste des codes-barres à la FIA, qui décide ensuite de l’allocation pour chaque équipe. « Ce n’est pas notre décision. » 

Une fois l’allocation reçue, les équipes de Pirelli doivent trier et monter tous les pneus sur les jantes en un temps record : le tout débute le mercredi matin et se poursuit jusqu’au lendemain.

Les équipes, elles, tentent constamment de repousser les limites pour gagner quelques dixièmes de seconde. Pour contrer cela, Pirelli et la FIA ont mis en place un système de surveillance stricte qui contrôle les données en temps réel pour s’assurer que les pneus sont utilisés selon les prescriptions. En F1, les écuries doivent adapter la voiture au pneu, et non l’inverse. C’est à l’équipe la plus habile de comprendre et d’exploiter au mieux la gomme fournie.

| Photo : Pirelli

De la piste à la route : un transfert de technologie direct
Si l’univers de la F1 semble à des années-lumière de nos réalités quotidiennes, le lien est pourtant direct. « En un mot : la technologie », affirme Isola. « Ce que nous développons et testons en Formule 1, nous pouvons le transférer aux pneus de route. »

Le premier exemple est la modélisation virtuelle. Pour développer les pneus de 18 pouces introduits en 2022, Pirelli a testé 70 spécifications différentes dans un environnement virtuel, mais seulement 30 sur la piste. Cette approche, née des besoins de la F1, est maintenant appliquée à toute la gamme, ce qui permet un développement plus rapide et plus durable.

Le deuxième transfert majeur concerne les matériaux. Les pneus de F1 doivent résister à des forces d’appui et à un couple moteur extrême. Cette recherche de matériaux à la fois résistants et légers trouve un écho direct dans le marché automobile actuel, notamment celui des véhicules électriques. Lourds et offrant un couple instantané, ils posent des défis similaires. 

La technologie développée pour la F1 est donc directement transférable pour améliorer la performance et la durabilité des pneus pour véhicules électriques.

Ernest Bedia, PDG de Pirelli Canada
Ernest Bedia, PDG de Pirelli Canada | Photo : Pirelli

Une stratégie adaptée au consommateur canadien
Cette expertise de pointe irrigue également la stratégie commerciale de Pirelli en Amérique du Nord. Ernest Bedia, PDG de Pirelli Canada, confirme que si la marque conserve son rôle de chef de file historique dans le segment de la haute performance, un virage important a été pris.

« Nous avons consacré d’énormes efforts au cours des cinq dernières années pour proposer de nouveaux produits axés non seulement sur les véhicules de performance, mais couvrant tous les segments du marché », explique Ernest Bedia. Le consommateur nord-américain recherche d’autres aspects de la performance, comme la longévité et le confort. Pirelli a donc élargi son portefeuille pour les VUS, les camionnettes et les berlines de tous les jours, tout en maintenant un standard de qualité « Tier 1 ».

Cette adaptation passe aussi par une attention particulière aux véhicules électriques avec la technologie « Elect ». Plutôt que de créer une seule gamme de pneus pour modèles électriques, Pirelli intègre cette technologie dans ses différentes gammes de produits. « Vous pouvez avoir un pneu Elect pour un usage quotidien, un pneu ultra-haute performance pour produits électriques, ou même un pneu tout-terrain pour véhicule électrique », précise Ernest Bedia. L’objectif est de maximiser les performances précises de chaque type de véhicule électrique.

Ainsi, derrière le spectacle du Grand Prix de Montréal se cache une réalité tangible. Chaque tour de piste est une collecte de données. 

La prochaine fois que vous choisirez vos pneus, rappelez-vous que la technologie qui les compose a été mise à l’épreuve dans les conditions extrêmes du sport automobile, sous la supervision stratégique de gens comme Mario Isola.

Et l’avenir promet de pousser les choses encore plus loin. Le prochain chapitre, déjà à l’étude dans les laboratoires de Pirelli, est celui du pneu intelligent. Une gomme dotée de capteurs, capable de « lire » l’état de la route en temps réel — de détecter la présence d’eau ou de verglas par exemple — et de transmettre ces informations cruciales aux systèmes d’aides à la conduite du véhicule. Un futur où le pneu ne serait plus un simple point de contact, mais une source d’information active pour les systèmes de sécurité du véhicule.

| Photo : Pirelli
Khatir Soltani
Khatir Soltani
Expert automobile
  • Plus de 6 ans d'expérience en tant qu’essayiste automobile
  • Plus de 50 essais réalisés au cours de la dernière année
  • Participation à des discussions avec la quasi-totalité des manufacturiers au Canada