La menace de grève est réelle dans l’industrie automobile et elle pourrait être déclenchée dès ce soir du côté américain. En effet, le contrat de travail qui unit les travailleurs du syndicat UAW (United Automobile Workers) et les trois grands constructeurs américains vient à échéance aujourd’hui.
Et l’on est encore loin d’un accord entre l’UAW et les négociateurs des trois grands. Si aucune entente n’est ratifiée aujourd’hui, le syndicat a déclaré qu’il prévoyait une série de grèves ciblant des usines automobiles individuelles aux États-Unis, sans réellement provoquer une grève générale des 150 000 travailleurs concernés.
Minuit moins une
Pour la première fois dans les plus de 80 ans d’histoire de l’UAW, le syndicat pourrait ordonner aux membres employés par les trois constructeurs américains — General Motors (GM), Ford et Stellantis — de cesser le travail après l’expiration de leurs contrats à 23 h 59 (heure de l’Est), jeudi, comme l’a annoncé le président de l’UAW, Shawn Fain, dans une vidéo diffusée mercredi soir sur Facebook.
« Il n’y a pas encore d’offres sur la table qui reflètent les sacrifices et les contributions de nos membres à ces entreprises. Pour gagner, nous allons probablement devoir agir. Nous nous préparons à frapper ces compagnies d’une manière qu’elles n’ont jamais vue auparavant. »
- Shawn Fain, président de l’UAW
Voilà qui n’augure rien de bon.
Et l’on planifie d’y aller de façon stratégique. Selon le chef syndical, ordonner aux travailleurs de certaines usines d’arrêter le travail pourrait « provoquer de la confusion ». En arrêtant la production dans une usine clé qui fournit des moteurs ou des transmissions, par exemple, d’autres plans pourraient se retrouver privés des pièces nécessaires à la fabrication des véhicules.
Une autre option sur la table serait d’attaquer là où ça fait mal, c’est-à-dire en cessant l’assemblage des modèles les plus rentables, soit les camionnettes et les gros VUS.
L’économie pourrait souffrir
Des grèves coordonnées pourraient avoir un impact sur la croissance économique américaine, en fonction de leur durée. Des stocks à la baisse sur le marché du neuf pourraient faire gonfler le prix des véhicules d’occasion, encore.
Shawn Fain a précisé qu’il était aussi possible que tous les travailleurs de l’automobile fassent la grève ensemble, à une date ultérieure. Un conflit généralisé coûterait à chaque constructeur de 400 à 500 millions USD par semaine, selon les estimations de la Deutsche Bank. Certaines pertes pourraient être récupérées en augmentant les horaires de production après le conflit, mais plus l’arrêt est long, plus cette possibilité s’amenuise.
Sur le plan politique, la Maison-Blanche souhaite que l’UAW et les principaux constructeurs travaillent jour et nuit afin d’éviter une grève.
Le président Biden a « encouragé les parties à demeurer à la table et à travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour parvenir à un accord gagnant-gagnant qui place les travailleurs de l’UAW au cœur de l’avenir automobile. » Joe Biden serait très impliqué et bien au fait du dossier. Il a eu des contacts à la fois avec la partie patronale, mais aussi syndicale.
Les négociations
Quant aux points qui achoppent, sans entrer dans le jeu des négociations, il y a des considérations d’ordre salariales. En gros, le syndicat américain demandait 40 % d’augmentation sur quatre ans. Ford a proposé une augmentation de 20 % sur la durée du contrat, GM de 18 %, Stellantis de 17,5 %, selon Shawn Fain. Cela représente moins de la moitié des augmentations de salaire demandées par le syndicat, mais plus que les premières offres des entreprises.
Les demandes incluent également le rétablissement des pensions à prestations définies pour tous les travailleurs, une semaine de 32 heures et des augmentations supplémentaires en fonction du coût de la vie, ainsi que des garanties d’emploi et la fin de l’utilisation de travailleurs temporaires.
Hier, Jim Farley, le grand patron de Ford, déclarait que les offres de son entreprise étaient les plus généreuses en 80 ans.
Shawn Fain a déclaré que les constructeurs automobiles avaient rejeté les améliorations des pensions, de la semaine de travail de 32 heures et d’autres avantages demandés.
Il a aussi précisé que la décision définitive concernant la grève et la façon de procéder ne serait prise que jeudi soir et serait annoncée à 22 heures, heure de l’Est.
Du côté canadien, le présent contrat de travail se termine lundi prochain, le 18 septembre. Nous allons surveiller la chose près. Au plus récent Salon de l’auto de Détroit, une source nous a confié que la tension était moins forte que du côté américain, mais qu’on demeurait inquiet.