AM: De là ta passion pour la formule 1 ?
RT: Il y a deux personnes qui m'ont fait aimer la F1 : Christian Tortora et Normand Legault. D'ailleurs, le premier qui m'a fait faire le tour du circuit de l'Île Notre-Dame, c'est Normand Legault, qui est un très bon pilote. J'avais été impressionné : le point de corde, il l'avait, lui ! Mais ça, c'était rien : quand j'ai fait le tour du circuit avec Nelson Piquet, là, j'ai vu que j'en avais à apprendre ! Je crois que c'était en 1984, parce que j'ai été obligé de changer ma Volvo après ça. Je ne sais pas ce qu'il lui a fait... Je me rappelle que j'avais tellement serré les orteils que j'avais arraché la semelle intérieure de mes souliers !
AM: Comment Christian Tortora t'a-t-il fait aimer ca ?
RT: As-tu déjà passé une soirée avec Torto ? Après la deuxième bouteille de vin, la F1, c'est de la poésie ! C'est une passion, c'est complètement fou, ça n'a pas de bon sens ! Ca devient même grave, des fois, parce qu'il parle juste de cela !
AM: Et Normand Legault?
RT: Normand, c'est quasiment mon frère. Souvent, on prenait l'avion ensemble, et il m'expliquait les combines de Bernie, du président de Ferrari, les jeux de coulisses des constructeurs ...
AM: Quelle a été la réaction de Normand Legault quand Bernie Ecclestone a décidé de retirer le Grand Prix du Canada du calendrier?
RT: Normand est venu chez moi quelques jours après. Il était dévasté. Il faut comprendre que Bernie Ecclestone était comme un père pour lui. Après cela, il s'est fait jouer dans le dos par le ministre de la Justice du Canada, Martin Cauchon. Enfin, il était probablement de bonne foi, mais... Dès le mois de juin, il a dit à Normand : " Si t'as des problèmes avec la loi antitabac, t'inquiètes pas, je vais t'arranger ça. " Et quand Cauchon est allé à Budapest, il a encore dit à Normand : " Ne brouille pas l'eau, attends, attends... " On connaît la suite...
AM: Donc, pour Normand Legault, c'est vraiment une trahison ?
RT: Oui. Une trahison sur le plan personnel, mais en même temps, Normand connaît la business...
AM: Ne dit-on pas qu'il n'y a pas d'amis en F1 ?
RT: Moi, je les ai vus ensemble, j'ai vu la gestuelle de Bernie, le langage du corps. Bernie marchait avec Normand et le tenait par la taille dans le paddock - il n'est pas grand, alors il ne peut pas mettre son bras autour de l'épaule... Je l'ai vu souvent. Ou encore Bernie qui l'appelait et lui disait : " Come to Monza ! ", juste parce qu'il avait envie de le voir. Normand prenait l'avion, soupait à Monza le vendredi soir avec Bernie, et sa famille, puis rentrait le samedi à Montréal. Les gens ne savent pas ces choses-là. Quand Bernie a été opéré, Normand prenait l'avion le dimanche soir, arrivait à Londres le lundi matin, allait voir Bernie, puis revenait faire sa journée à Montréal.